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"LOUISE BOURGEOIS, STRUCTURES DE L'EXISTENCE, LES CELLULES", MUSEE GUGGENHEIM, BILBAO - REVUE D'EXPOSITION, INFERNO / 2015

Louise Bourgeois in 1975 wearing her latex sculpture Avenza (1968– 69), which became part of Confrontation, (1978)

Photo: Mark Setteducati

© The Easton Foundation / VEGAP, Madrid

Le Musée Guggenheim de Bilbao présente la plus importante exposition consacrée aux Cellules que Louise Bourgeois réalise pendant les deux dernières décennies de sa vie. Grâce à l’obtention de son premier grand atelier à Brooklyn, qui lui permet d’accéder à une plus grande liberté de formats, elle amorce cette série en 1986 avec La Tanière articulée (Articulated Lair). Ce travail reprend les enjeux qui constituent le fer de lance de sa démarche existentialiste. Exploratrice de sujets intimes et autobiographiques, Louise Bourgeois fait figure de précurseur dans un contexte alors majoritairement minimaliste et conceptuel. Son œuvre fortement empreinte de psychanalyse est une plongée perpétuelle dans son enfance, où se rejouent les traumatismes des relations familiales qui l’ont déterminée. Les Cellules sont parsemées de références aux personnages et épisodes qui ont marqué son passé, où transparaissent ses angoisses et peurs d’abandon, de pertes, de trahison. Elles répondent au besoin de trouver une sécurité face à une menace planante, qui passe par la construction d’espaces où le soulagement de la protection va de pair avec une sensation de réclusion. Ce double mouvement, incarné dans les œuvres par la figure omniprésente du miroir, évoque la structure profonde de l’individu, qu’elle décrit comme paradoxalement définie et précaire. La création est un processus qui apaise ses souffrances, permet de résoudre ses contradictions et d’accéder ainsi à une forme de réparation. Elle évoque ce mécanisme lorsqu’elle dit : « La sculpture est la seule chose qui me libère ».

Louise Bourgeois
Passage Dangereux, 1997

Metal, wood, tapestry, rubber, marble, steel, glass, bronze, bones, flax and mirrors

264.2 x 355.6 x 876.3 cm

Private Collection, courtesy Hauser & Wirth

Photo: Maximilian Geuter

© The Easton Foundation / VEGAP, Madrid

Les Cellules sont un aboutissement, entre synthèse et déploiement, du désir contradictoire de se souvenir et d’oublier. Les sculptures à proprement parler semblent augmentées par la mise en espace, intégrées à des environnements qui reconstituent des intérieurs domestiques, véritables décors pour les scénarios de sa mémoire. Ces structures sont à la fois autonomes et rhizomiques, à l’image des espaces mentaux qu’il est ici question d’incarner. Vingt-huit cellules sont présentées, autant de microcosmes composés d’éléments architecturaux (portes, fenêtres, grillages métalliques, conteneurs industriels) et d’objets trouvés dans son quartier ou tirés de sa vie privée (meubles, vêtements, flacons de parfum, tapisseries, boules de verre, lampes, bobines de fil). Un petit cabinet de curiosités vient compléter l’ensemble en présentant une sélection de dessins et sculptures crées entre 1943 et 2010 dans lesquels se retrouvent ces préoccupations liées à un espace qui est à la fois quotidien et symbolique.

Louise Bourgeois, Cell (Choisy), 1990-93


Marble, metal and glass

306.1 x 170.2 x 241.3 cm

Collection Glenstone

Photo: Maximilian Geuter

© The Easton Foundation / VEGAP, Madrid

Louise Bourgeois
Spider, 1997

Steel, tapestry, wood, glass, fabric, rubber, silver, gold and bone 449.6 x 665.5 x 518.2 cm

Collection The Easton Foundation

Photo: Maximilian Geuter

© The Easton Foundation / VEGAP, Madrid

Louise Bourgeois
Lady in waiting, 2003

Tapestry, thread, stainless steel, steel, wood and glass 208.3 x 110.5 x 147.3 cm

Collection The Easton Foundation

Photo: Christopher Burke

© The Easton Foundation / VEGAP, Madrid

Le spectateur déambule entre ces structures à grande échelle, dont les proportions immersives offrent une invitation ambivalente, puisqu’il est possible de voir l’intérieur sans pouvoir y pénétrer véritablement. Les mises en scène peuplées de références autobiographiques et d’objets dont la charge émotionnelle est palpable génèrent un double malaise, notamment dans les Cellules I à VI (1991) qui traitent du secret, de la souffrance physique et psychologique : la position voyeuriste du spectateur est accentuée par la violence latente des scènes qu’il découvre, où la détresse de l’artiste lui octroie implicitement le rôle de témoin silencieux, impuissant. Si les reconstitutions sont celles de crimes psychiques, le corps représenté n’en est pas moins mis à rude épreuve. Louise Bourgeois s’intéresse de près aux recherches du neurologue Charcot, dont Freud sera le disciple, et notamment aux manifestations physiques des crises d’hystérie et d’épilepsie. Elle exprime sa fascination pour la façon dont la peur et l’angoisse s’incarnent à travers le corps et fige dans Dedans et dehors (1995) ce mouvement arqué, en pleine convulsion, ne laissant qu’un buste privé de tête et de membres dont la posture suspendue évoque à la fois plaisir et douleur. Le corps apparaît toujours morcelé : ce sont deux mains entrecroisées dans Cellule II, la partie inférieure d’une jambe dans Cellule III, ou encore une oreille dans Cellule IV. La délicatesse de ces membres de marbre aux couleurs charnelles et à la surface douce accentue encore la brutalité du geste qui tranche et démantèle. Louise Bourgeois fait tomber les têtes, alors que c’est au dessus d’une maquette de sa maison d’enfance que la guillotine trône dans Cellule (Choisy) (1990-93) symbolisant l’amputation du passé par le présent. Dans Sans issue (1989), le coupable (à entendre ici dans son double sens : « celui qui a commis une faute » mais aussi « que l’on peut couper ») est face à son miroir ; miroir qu’elle utilise comme un objet / image de l’acceptation de soi-même. Cette reconquête de l’estime de soi est obsessionnelle, comme l’atteste la série des Femmes maisons (1982, 1994, 2001) où son corps prend la forme d’un bâtiment vide aux allures de maison hantée. Ce corps féminin malmené est à l’image de ses émotions, et plus largement des sentiments humains. La violence se niche dans tous les recoins de cette œuvre organique viscérale, éminemment érotique et sexuelle. Les Cellules-Portraits (2000-01) semblent offrir un sanctuaire à ces têtes disparues qui réapparaissent cousues, visages de tissu tuméfiés, monstrueux et terrifiants, références au travail d’ouvrages de sa mère qu’elle a longuement regardée réparer des tapisseries lorsqu’elle était enfant. A l’image de cette femme, modèle tour à tour craint et chéri, Louise Bourgeois livre bataille contre la résignation et défend bec et ongle cette énergie de femme combattante, radicale dans cette quête de l’affranchissement affectif. Jusqu’à La destruction du père (1974), vengeance ultime fantasmée en acte fraternellement cannibale.

Louise Bourgeois
Cell VI, 1991

Painted Wood and metal

160 x 114.3 x 114.3 cm

Courtesy Hauser & Wirth and Cheim & Read Photo: Christopher Burke


© The Easton Foundation / VEGAP, Madrid

Louise Bourgeois
Red Room (Parents), 1994 (detail)

Wood, metal, rubber, fabric, marble, glass and mirror 247.7 x 426.7 x 424.2 cm

Private Collection, courtesy Hauser & Wirth

Photo: Maximilian Geuter

© The Easton Foundation / VEGAP, Madrid

Louise Bourgeois
Cell VII, 1998

Metal, glass, fabric, bronze, steel, wood, bones, wax and thread 207 x 221 x 210.8 cm

Private Collection, courtesy Hauser & Wirth

Photo: Christopher Burke

© The Easton Foundation / VEGAP, Madrid

Le terme « Cellule » (en anglais « Cell ») a été choisi pour ses multiples connotations : il renvoie à la fois à l’isolement des cellules monacales ou pénitentiaires et au sens biologique de l’élément moléculaire. Vient alors inévitablement s’ajouter la cellule familiale. L’aspect organique du Guggenheim, son architecture vaste et aérienne offre à ces entités sculpturales un écrin de choix où la multiplicité plastique et signifiante de cette série monumentale peut ainsi prendre toute son ampleur. Si l’impact est immédiat, les résonances n’en sont que plus persistantes.


⇒ Découvrir le site internet de la revue INFERNO

Exposition « Louise Bourgeois : Structures de l’existence, les Cellules » Présentée du 18 mars au 6 septembre 2016 au Musée Guggenheim de Bilbao, Exposition organisée en collaboration avec le Haus der Kunst de Munich Commissaires de l’exposition : Julienne Lorz et Petra Joos

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