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"PLEIN SOLEIL", OU LES PAYSAGES PERFORÉS PAR UN SOLEIL DE PLOMB DE LUDOVIC SAUVAGE - PORTRAIT D'ARTISTE / 2015

Ce titre aux allures cinématographiques allie savamment le visuel et l’olfactif. Plein Soleil. C’est une chaleur étouffante ; des sensations douces et enveloppantes, un flot d’énergie saturée. C’est une lumière éblouissante ; un paysage devenu flottant dont les contours se dissolvent dans l’atmosphère. C’est le jeu visuel que la persistance rétinienne suscite : après avoir fixé trop longtemps le soleil, son spectre perdure dans le champ de vision et vient s’imprimer sur le décor alentour. Tout disparaît, puis réapparaît.

C’est ce phénomène optique qu’évoque au premier abord la dernière pièce de Ludovic Sauvage. Par un acte simple, armé d’une poinçonneuse, il ôte aux paysages imprimés sur une série de diapositives le centre de leur image. La projection successive de ces décors amputés a un effet hypnotique, comme s’il passait en revue nos souvenirs d’expéditions estivales que la mémoire a morcelés avec le temps, pour n’en garder qu’une image synthétique, archétypale : le maquis, la garrigue, la pinède.
Ce lot de diapositives est le leg d’un particulier que l’artiste a récupéré. Prises de vues personnelles donc, d’un parcours dans le sud de la France où se retrouvent pêle-mêle des lieux typiques et anonymes. Le geste imprimé, ou plutôt supprimé que Ludovic Sauvage vient appliquer joue de ces contradictions : entre subjectivité et collectivité du paysage, le poinçon fait à la fois office de cache et de révélateur.
Le résultat n’est étonnamment pas narratif, mais bel et bien mémoriel. La démarche intime du preneur de vues produit, hors contexte, des images qui participent de l’imaginaire collectif, devenant autant de supports propices aux projections à nouveau personnelles du regardeur. La boucle est bouclée. Le procédé fonctionne à merveille. L’œil cherche à reconstituer la partie manquante, à reconnaître le lieu, jeu à multiples facettes que l’artiste qualifie lui même de « blind test pour les fins connaisseurs de la Provence », dont il fait partie.
A-t-il secrètement gardé les chutes ? Envisage-t-il une version déclinée, qui reprendrait le principe relativement proche de sa précédente pièce, Plateau, où le négatif apparaît à son tour, par l’alternance de la forme et de la contre forme ?
Du Memory au puzzle, l’enfance est sans nul doute convoquée ici, ne serait-ce que par ce souvenir indéniablement commun : une feuille de papier dans une main, une poinçonneuse dans l’autre frénétiquement actionnée dans un geste jubilatoire, plaisir accentué par la vue de ce tas de confettis qui grossit. Et dont la finalité n’a absolument aucune importance.

L’orifice obtenu laisse ainsi filtrer la lumière directe du projecteur qui vient s’imprimer sur le mur, révélant des aspérités qui s’ajoutent aux poussières accumulées sur les diapositives, que l’artiste a tenu à préserver. Il devient difficile d’identifier si les bruits visuels sont sur le mur ou sur l’image, accentuant la fusion des deux éléments du dispositif. Cette présence parasite entre en résonnance avec l’objet dont la pellicule a été éprouvée, laissant apparaître des traces d’usure. L’image plane gagne en épaisseur et en matière, ce qui vient souligner la picturalité des paysages reproduits. Quelque chose semble palpable face à cet écran qui n’est pourtant que lumière. Les multiples paradoxes offerts par cette pièce participent sans nul doute au trouble et à la réjouissance du spectateur.

Si l’usage de la diapositive peut recéler une connotation vintage aujourd’hui galvaudée, le parti pris n’est pas d’explorer cette dimension esthétique là mais d’amorcer un retour vers l’image existante, parcours anachronique dans la démarche de Ludovic Sauvage qui a plutôt coutume de travailler à partir de fichiers et de logiciels numériques, où le support est dématérialisé. Ainsi assume-t-il cette appropriation nouvelle de l’ancien comme participant d’un retour aux sources de ses aspirations.

La mécanique du procédé de projection, rythmé par le mouvement circulaire et saccadé du carrousel, fait aussi référence à une autre fascination récurrente dans sa pratique : le cercle, plus précisément encore lorsqu’il s’anime dans un mouvement d’ellipse. Laborantin des logiciels 3D, Ludovic Sauvage utilise l’ellipse dans ses travaux plus anciens, notamment par le biais de montages vidéos où ce sont tour à tour la lumière et la caméra qui effectuent un mouvement rotatif autour d’un point fixe, espace architectural (L’appartement, 2011 ; This must be the place, 2014) ou paysage naturel (About Shangri-la, 2010) dont il déplie les reliefs mouvants induits par ces changements de luminosité ou de point de vue, sorte de quête face à l’impermanence du réel qu’il tenterait infiniment de saisir. La figure géométrique du cercle s’impose ainsi plus comme un outil que comme un motif qu’il déclinerait, tournant autour du visible, arpentant les limites du plein et du vide.


L’ombre et la lumière tiennent eux aussi un rôle de premier ordre, chorégraphie qu’il manie avec soin pour faire jaillir les images qui l’habitent, comme lorsqu’il s’amuse à exploiter les particularités du store vénitien, dont les impressions striées ont marqué son imaginaire. Cet objet qu’il transforme en surface (Week end à Rome, 2013) ou qu’il utilise comme support (Plateau – Store, 2014), participe des formes qu’il a faites siennes, constituant un répertoire visuel mobile et cohérent dont les multiples échos n’ont semble-t-il pas encore fini de résonner.


⇒ Découvrir le site internet de Ludovic Sauvage

⇒ Découvrir le site internet de la galerie Valeria Cetraro

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